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  • Photo du rédacteurvbriffaut

JE SUIS AVEC épisode 1

Cette année encore Claude et Francine ont repris leur sac à dos pour repartir à Madagascar mais cette fois elles ont ajouté dans leurs bagages Sébastien Layral . Les récits qui suivent sont ses témoignages.

"FAZASOMA*, on me présenta cette action comme une association caritative qui vient en aide aux plus démunis à Madagascar. On me présenta par la suite les « mamies » qui ont fondé cette action après un voyage où la cruauté infligée à certains ne pouvait plus être ignorée par Claude et Francine. Le lien: Mano Solo, par qui j’avais su. Il insufflait une large dynamique autour de lui pour ramener des munitions afin de changer le monde.

Très modestement depuis dix ans, je cherche toutes les idées pour servir de relais auprès de cette association. Mais cette fois-ci, je vais pouvoir perdre quelque chose que je n’ai pas réellement perdu depuis 1998, ma famille et mon atelier, donner de mon temps pour vivre et relater ce qui se passe avec un bout de nous.

Embarquement à Clermont-Ferrand à 6h30, escale à Paris ou je trouve le père Pedro Opéka. Arrivée à Antananarivo vers 23h50.

Beaucoup de stress pour ce départ... Je souffre depuis quelques semaines de fréquentes crises d’angoisse. Je pèse ainsi mieux le poids de ce que j’ai engagé plus naïvement il y a dix ans. J’ai laissé ma femme Sophie sur le quai d’embarquement de Clermont-Ferrand, à sept heures et par le plus grand des hasards, j’ai pu discuter avec le père Pédro Opéka juste avant l’embarquement à Charles de Gaulle. J’ai posé la question qui me taraude depuis notre première entrevue il y 4 ans, à savoir: quelle suite et comment au delà de la personne. Il me répond simplement que lui faisait, qu’il pouvait peut être servir d’exemple, mais qu’après…

Je passe mes dix heures de vol entre Paris et Madagascar en compagnie de ma voisine de siège originaire de ce pays que je ne connais pas. Lucia me concède quelques craintes sur un coup d’état possible dans le mois de décembre et des conseils de billets à laisser dans les passeports pour la douane. Elle me conte aussi les silences possibles, en somme, elle me rassure avec un large sourire. Je pense un peu à tout le monde laissé en France, tous ces amours qui m’ont accompagné pour faire ce voyage hors de mon temps artistique.

Le débarquement prendra une bonne heure, avant de retrouver Francine, Claude et Eva qui nous accueillent dans son Hôtel Mania à Ambositra

Pour la nuit nous logeons à l’hôtel du cheval blanc près de l’Aéroport d’Antananarivo. La nuit est bouillante et entrecoupée. Le décalage horaire fonctionne bien avec ses deux heures.

Départ pour Ambositra dès 8h30 avec le camion d’Eva. Nous traversons les faubourgs de la capitale, et là les images s’enchainent les unes aux autres traînant leur cortège de souffrances et d’inhumanités. Le choc de voir un enfant de cinq ans à peine traîner des monceaux d’ordures sur une montagne de déchet, rivalise de cruauté avec des mères de 13 ans tout juste portant, en guise de haut, un nouveau né endormi dans des sangles qui font liens. Je n’arrive même pas à prendre des images tellement je trouve ça déplacé et insupportable, la boule au ventre, collé dans mon petit siège.

Nous avançons sur la N7 qui est une belle nationale longeant des milliers de rizières dans la cohorte de montagnes qui éclaboussent de leurs couleurs, le dur labeur qui se joue là, sous nos yeux cachés derrières les vitres chaudes du petit van.

Claude et Francine à l'oeuvre depuis 20 ans

Nous faisons une halte pour déjeuner vers 13h dans la ville d’Antsirabé. Une assiette de riz puis, au sortir du restaurant, Francine donne de la nourriture à une famille jonchée là, sur le sol poussiéreux de la ville. Les enfants se jettent sur le sac. Une petite fille de trois ans me regarde droit dans les yeux sans un mot, je suis paniqué, je ne peux dégainer que mon sourire gêné et ses yeux se gonflent de larmes qui ne sortent pas, voilant la pupille endolorie depuis le fond. Ça fonctionne comme le WIFI et je ressens ce truc qui me traverse de part en part, ce truc indicible qui te révolte en silence. Et le pire dans tout ça, c’est que j’en viendrais presque à me plaindre de mon ressenti, si affûté, dans ces minutes qui donnent du sens au temps qui passe.

Les paysages défilent sur la route devenue cabossée, où le goudron est préparé juste là, à côté. Quelle vaillance chez tous ces hommes, femmes et enfants. Dès le plus jeune âge, assis en tailleur à casser des cailloux, à s’occuper des plus jeunes, à garder les zébus, à remplir des sacs de sable etc... Le tableau oblige à ces silences que seuls les regards accompagnent sans jamais de réponse.

élaboration du goudron

Nous arrivons vers 17h à Ambositra, la capitale des artisans sculpteurs. Petite ville ou grand village, au détour d’un virage j’aperçois « La Maison Je Suis Là » et « La Demeure » qui la domine d’un niveau. On remonte doucement vers le parking de l’hôtel et nous prenons place dans nos chambres de L’hôtel Mania, rue du commerce. Je pose mes affaires et pars me noyer dans la foule de ceux qui vivent là. C’est un choc, un nouveau, une heure de marche et pas un rose comme moi. Je suis l’attraction des regards et cette fois ce n'est pas à cause de mes choix. J’entends des rires, beaucoup. Ici et là sonnent des « Waza! ». Puis le plus jeune tourne plus près avec un petit bonjour. C’est timide mais au contact. Les odeurs sont fortes de déchets brûlants, le bruit des camions, les échanges par devants les nombreuses petites échoppes qui longent la route. Je ne dégaine pas mon appareil photographique. Je ne me sens pas très très bien. Je n’arrive pas à détendre mon torse tout crispé (tant d’Aïkido pour ce résultat), merde alors.

Je rejoins les deux habitations réalisées par Fazasoma et grâce au concours, entre autre, de Mano Solo: le parrain. Je ne m’attarde pas, la misère me serre la gorge, tout en contraste avec les sourires qui me font face, lorsque les regards passent de mes pieds blancs enchaussés de Tongs à mon visage légèrement habillé d’un sourire gêné.

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