Cette année encore Claude et Francine ont repris leur sac à dos pour repartir à Madagascar mais cette fois elles ont ajouté dans leurs bagages Sébastien Layral . Les récits qui suivent sont ses témoignages
Le soir, je viens travailler dans la salle à manger de l’hôtel où il fait plus frais pour faire mes comptes rendus et un petit skype à ma famille. Le nuits sont chaudes et ce soir je remonte vers minuit. J’ai encore eu droit au délestage électrique, mais cette fois j’étais en train de me doucher.
Mauvaise nuit, mal de crâne et mal de ventre. Au réveil je retrouve Claude et Francine qui reçoivent Madame Rose avec un carnet de santé.
Sa copine est en piteux état, elle a pu consulter une médecin qui a fait une prescription, et cette dame au sourire généreux vient demander un peu d’argent pour payer les médicaments de celle qui ne peut plus se bouger de sa douleur.
Le carnet de santé faisant fois de là date et du tampon.
Trop heureuse de pouvoir aider à son tour par sa démarche, cette femme s’en va à la pharmacie. Elle nous annonce que la saison de la soudure (fin de récolte du riz) va emmener son lot de délinquance et de nouveaux prisonniers.
Aujourd’hui c’est jour de marché, et une foule innombrable vient de loin vendre du charbon, de la vannerie, des légumes, des chapeaux, des sacs, des poules ou des oies, des herbes diverses ou quoique ce soit qui puisse se vendre ici...
Nous nous dirigeons sous un soleil de plomb vers la salle des fêtes qui a été louée pour fêter avec les enfants de cinq cantines de l’association FA.ZA.SO.MA, l’approche de Noël. Vouary est déjà là avec Mariette qui a tout préparé.
Plus d’une centaine d’enfants représentent les cinq cantines. Ils entrent dans la salle des fêtes et trouvent une place assise pour chacun, sur la table une assiette avec une entrée, du pain, fourchette, cuillère et couteau, des bouteilles d’eau avec du sirop. Et pour certains c’est la première fois qu’ils voient tous ces éléments de la vie quotidienne. Un petit cour didactique est donné pour savoir comment se servir des différents outils.
Les enfants sont venus parfois de très loin, certains on fait deux heures de marche pour gagner le bus puis deux heures de bus, ils referont la même chose après le repas. La moitié des enfants ne sont pas chaussés, mais dans la rue, l’impression que j’ai est que les deux tiers ne sont pas chaussés.
Le repas était accompagné d’un spectacle où des bénévoles accompagnaient le père None pour nous présenter une mise en scène questionnant le quotidien violent de chaque famille. Ce spectacle est joué très souvent sous le couvert de Radio Maria qui sert à éduquer les familles.
Les officiels prennent du retard, mais tous les enfants sont là, assis, ils auront leur entrée, puis du riz, du porc, un dessert, une banane, un gâteau et des bonbons avec des sirops. Nous aurons des cadeaux et des sourires en bandoulière.
L’après midi est consacré à mon rapport, puis je repars vers la maison JE SUIS LA pour présenter à Mariette ces lampes solaires. Elles pourraient équiper les huit chambres d’étudiants. Un mois de facture électrique est équivalant au coût d’une lampe. L’idée est lancée.
Encore ce soir je discute de ce qui se passe ici, et je doute de moi, je doute en permanence, je crois que j’affectionne ce déséquilibre.
Du coup je fulmine sur l’art à tour de méninges. Je m’énerve sur ce que je n’arrive pas à faire. Et de voir ce que la tâche ici me demande, me renvoie à ma pauvre situation d’artiste. Mais je n’oublie pas tous les gens qui se sont engagés à mes côtés pour mon travail artistique ou pour FA.ZA.SO.MA.
Ce sourire reste l’action concrète. Ces sourires m’obsèdent, ils seront, malgré ma trouille, la continuité logique de mon action artistique. je continuerai à refuser de faire de la décoration, pour changer le monde, comme quand j’avais huit ans et que je commençais moi aussi à perdre le mien pour d’autres raisons.
MOI, C’EST L’AUTRE!