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JE SUIS AVEC épisode 3

Cette année encore Claude et Francine ont repris leur sac à dos pour repartir à Madagascar mais cette fois elles ont ajouté dans leurs bagages Sébastien Layral . Les récits qui suivent sont ses témoignages.

Avant-hier, il y a eu un orage, des pluies puis un délestage d’électricité (coupure), le lendemain et jusqu’à présent... plus de réseau internet. C’est pour cette raison que je n’ai pu publier la quotidienne hier, mais c’est chose courante, ici, si je puis dire.

Ce jour a commencé par la venue de Véronique pour le petit-déjeuner avec Claude et Francine, petit-déjeuner pris dans leur chambre. Ancienne sœur, Véronique m’explique sa vie d'aujourd’hui après avoir démissionné de sa congrégation. Son nouveau budget est le suivant :

Véronique, un sourire de caractère et de révolte qui ne l'empêche pas d'aider  aussi les plus petits.

Paie : 100.000 Ariary soit 30€/mois

Loyer 2 pièces pour son commerce : 50.000 Ariary soit 15€/mois.

Nourriture : 50.000 Ariary soit 15 €/mois

1/2 Kg de riz par jour + bred ou légume ou poisson ou viande 10€/mois.

Il faut encore ajouter à cela le sel, l’huile, les fruits etc…

Electricité : 5.000 Ariary soit 1,5 €/mois par participation.

Taxi Brousse pour venir : 20.000 Ariary soit 7€ le trajet aller

Fin du déjeuner et c’est l’entrée de Soeur Luigina, ancienne des Caritas, soeur missionnaire avec 50 ans de service. Les échanges sont pleins de sourires mais les discussions sont âpres quant à la répartition de l'aide et à l'équilibre à trouver entre les actions pour les plus démunis, prisonniers, lépreux, orphelins etc...

Les histoires s’enchaînent et le coeur se serre encore et toujours sur les cas les plus incroyables que je tairai ici.

Ca chambre dur dans la pièce, mais le respect et la confiance sont là.

Le boucher prend soin de chasser les mouches

Ensuite, Soeur Rolande nous rejoint pour pouvoir récupérer une connexion depuis la clé WIFI achetée. Il faut alors, ensemble, retourner voir la boutique pour forcer le vendeur a me lâcher les infos qu'il a préféré cacher pour pousser à un nouvel achat. A peine le temps de rentrer que nous devons nous rendre à la maison JE SUIS LA, pour voir se qui s’y passe, on y prépare la fêté des 80 ans de Claude. En descendant je m’arrête devant un boucher local où la tripe est vendu à l’étal tout comme tout produit boucher, protégée des Waza par les mouches.

Pour commencer, je visite les lieux et Mariette responsable, pilier de l’asso sur place, m’explique les problèmes liés à la maison et l’argent nécessaire pour ne pas tout perdre à longue échéance.

Fissure de part et d'autre de la maison, on va faire faire un devis pour voir comment soulager les mouvements de terrain.

Je visite ensuite l’atelier couture qui fonctionne avec les commandes de Fazasoma payées d'avance pour acheter le tissus, faire travailler les femmes accueillies ici, et pour vêtir les enfants démunis pris en charge par l’asso. Beaucoup de joggings. Ainsi cela fait travailler beaucoup de gens sur place plutôt que d’importer à grand frais de larges containers remplis de nos rejets.

Les femmes à la couture pour finir les jogging qui vont être distribués le lendemain.

Je vais rencontrer ensuite toutes ces personnes laissées là après le chaos, je vous passe l’abominable de leur vie brisées par la mort, les coups, les maladies, les handicaps, ou juste leur statut de pauvre de base.

L'approche est toujours difficile avec les petits mais les regards sont francs.

Les enfants se cachent doucement et l’heure du repas sonne ses petits coups de joie. On perçoit les sourires et la joie de manger enfin à sa fin pour ces quelques malheureux qui ne vivent pas là. Les vieux résidents, eux, sont des mendiants, d’anciens prisonniers, des vieux tout simplement que la famille ne peut plus avoir à charge, parfois ils ont, même après la mort de leur enfants, leur petit enfants à charge. Les gamelles de riz sont d’énormes rations. Ils mangeront à satiété puis finiront par mettre dans de petits sacs plastiques du riz et des légumes soit pour le soir, soit pour des petits restés au marché. Toujours éprouvant de voir manger un gamin qui a faim et qui plonge sur la paillasse ramasser quelques grains de riz alors qu’il ne sait pas encore marcher.

sans commentaire

On s’embrasse, on se serre fort les mains, je tente quelques approches avec les enfants mais ils ont peur, je ne renonce pas et doucement, je me rapproche.

les vieux sont là, abandonnés et parfois, pourtant, en charge de leur petits enfants.

Puis à la fin du repas, l’ensemble des résidents ou ayants-droits dans ce lieu (dont Mano Solo a assuré l’édification finale du projet en reversant 13.000€ de recette du concert au Bataclan), s’approchent avec quelques mots, les bras chargés de cadeaux. Ils auront tous cotisé depuis quelques mois, même à coup de 50 Ariary (un peu plus d’un centime d’Euro) pour s’offrir aussi la joie de prendre soin du sourire de leur convives. Compliqué de retenir l’émotion, car je suis aussi concerné alors que je me sens qu’un petit relais, au vue de la masse du travail accomplie par « elles deux ».

J’aurai ainsi une superbe tunique malgache avec beaucoup d’autres cadeaux. le gâteau est extraordinaire et Claude recevra entre autre une sorte de linceul qu’on offre aux vieux qu’on aime, afin de leur souhaiter une belle fin de vie avant de s’endormir dedans.

Succedent aux chants, la distribution pour chacun de petits sacs avec du riz, de l’huile, des bougies et des allumettes.

l'huile, le riz, des bougies et des allumettes, au fond, les paillasses pour les prisonniers.

Les paillasses que l’on voit au fond sont faites ici, par les plus importants, pour soulager la détresse des femmes mises en prison dans des conditions dépassant l’imagination.

Je salue les étudiants qui sont accueillis ici pour permettre leur scolarisation. Ils veulent être guide, médecin ou chercheur en agronomie, ils s’amusent, rigolent, me présentent leur chambre et m’invitent à passer une nuit à LA MAISON JE SUIS LA.

Je fais ensuite la rencontre d’une enfant nommée VOUARY (nature) dont l’histoire est terrible, non, en fait cette histoire est terriblement terrifiante. Jumelle de la Côte Est dont la coutume la condamnait à la mort, elle fut abandonnée trois fois. Je laisserai plus tard son histoire complète.

Les chaînes du coeur que nous sommes capables de faire en France prendraient tout leur sens ici, avec cette enfant.

Handicapée d’un genou qui ne fonctionne pas, elle se retrouve dans les bras de Mariette qui essaie tout pour sauver cette petite fille très intelligente mais rejetée de partout y compris de l’école privée. Seule une opération en France pourrait changer sa vie. En attendant on va trouver un kit de béquilles pouvant aider des plus petits aux plus grands,

Je ne sais pas combien de tailles sont nécessaires mais ici ces objets sont introuvables. Nous ferons donc parvenir ces béquilles par les sœurs Malgaches qui se forment en France, car il est impossible d’utiliser la poste, sauf pour alimenter le marché noir.

On remonte vers l’hôtel où je dois finir de réparer la connexion de Sœur Rolande, j’en profite pour l’interviewer afin de consolider les liens avec le personnel de l’école Jeanne d’Arc à Châtel-Guyon qui se sont investis depuis 5 ans dans l’accompagnement de l’asso avec des échanges avec Sœur Rolande.

Nous repartons chercher 10 sacs de riz pour la maison JE SUIS LA. Ceux qui vont porter ces sacs sont payés l’équivalent de 2€ pour une tache extrêmement pénible. Les deux hommes doivent avoir 13 et 65 ans.

250kg de riz à pousser...

Je passe encore quelques temps avec Vouary puis,la nuit tombée, quitte cette demeure, cet îlot paisible, ce lieu d’amour. On peut lire sur la pancarte de la DEMEURE, « notre religion c’est l’amour, notre maison c’est l’univers ».

je remonte dans le temps...parfois

Je remonte avec quelques étudiants qui m’accompagnent le long des rues sombres, où les enfants jouent encore pieds nus dans la poussière, où les échappements délivrent la fumée qui recouvre les étals de fruits, de poissons, de chaussures à 1€ et où les odeurs de brochettes se font alléchantes. Je regagne l’hôtel, toujours plus conscient du labeur dans lequel désigner un but rendrait toute action inutile, il faut faire, c’est tout. Et dans la chambre, enfin retrouvée, des Mamies, je suis une nouvelle fois éclairé sur l’importance de témoigner de cette insupportable misère et de penser, moi, à la suite. J’emmagasine depuis trois jours tellement d’informations que je ne sais même pas me faire une idée de mes possibles.

Mais moi aussi, désormais, je ne pourrais plus vivre comme si je ne savais pas.

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